Wallander sur Arte

Voila un exemple d'un série de grande qualité.

Le premier tome des aventures de Kurt Wallander est publié en 1991. Dans Mördare utan ansikte, Meurtriers sans visage, l’inspecteur du commissariat de Ystad cherche à résoudre le meurtre d’un couple de fermiers, auréolé d’un parfum de xénophobie. Le style d’Henning Mankell s’impose bientôt comme une référence dans l’univers du roman noir, et les Wallander s’arrachent partout dans le monde.Dix romans ont paru à ce jour : neuf entre 1991 et 1999, au rythme d’un par an, puis un dixième en 2009, encore inédit hors de Suède.

En 2005, la télévision suédoise s’empare du phénomène : un feuilleton de treize épisodes voit le jour, inspiré des histoires de Mankell mais scénarisé par d’autres auteurs. Si le premier épisode est fidèlement adapté d’un des romans, Avant le gel, les suivants s’appuient sur de nouvelles histoires originales. La série se concentre ainsi sur un trio de personnages constitué de Kurt Wallander (interprété par Krister Henriksson), sa fille Linda et un jeune inspecteur prénommé Stefan. Le succès de la série justifie la production de 13 nouveaux épisodes en 2009.

Entre temps, la production suédoise Yellow Bird a engagé des négociations avec la BBC pour développer uneadaptation anglaise de l’œuvre d’Henning Mankell. La télévision britannique est alors, après la disparition du mythique Inspecteur Morse, à la recherche d’un nouveau héros policier récurrent. Une rencontre entre Kenneth Branagh et Henning Mankell précipite la mise en œuvre du projet. Trois premiers épisodes, basés surLe guerrier solitaire, La muraille invisible et Les morts de la Saint-Jean, sont diffusés sur la BBC en 2008. Trois épisodes supplémentaires ont vu le jour début 2010, tirés cette fois de Meurtriers sans visage, L’homme qui souriait et La cinquième femme.

L’adaptation britannique est confiée au scénariste Richard Cottan. Son défi : modifier le récit de manière à respecter le rythme d’un épisode télé de 90 mn, tout en restant fidèle à l’esprit des romans. La série de la BBC se positionne ainsi dans un rapport de similitudes et de dissemblances vis-à-vis de sa source littéraire. Les intrigues sont plus proches de l’original que celles inventées par les auteurs de la série suédoise. Les lecteurs de Mankell reconnaîtront sans mal les histoires qu’ils connaissent, même simplifiées. Par souci d’efficacité, le point de vue se limite en effet à celui de l’inspecteur, alors que la construction plus complexe des romans permettait de s’inviter aussi dans le cerveau des criminels. Wallander, la série, n’est racontée qu’à travers le regard de Wallander. Elle s’attache moins à décrypter les motivations des meurtriers qu’à dresser le portrait, déjà central dans les romans, d’un homme torturé par la souffrance qui l’entoure. Certains éléments de sa caractérisation ont pourtant été abandonnés, comme sa passion pour l’opéra, trop proche de celle de l’inspecteur Morse, lui-même amateur d’art lyrique.

L’adaptation de la BBC privilégie par ailleurs l’authenticité des repères culturels suédois, tout en veillant à les rendre lisibles par le public britannique. L’esthétique de l’habitat, de l’ameublement et des paysages inscrivent clairement la série dans un environnement scandinave. Mais la prononciation des noms propres a été anglicisée. Grâce à une réalisation sophistiquée, cette version télévisée de Wallander parvient à restituer l’atmosphère de la Scanie, qui fait toute la singularité des romans de Mankell. Vision contemplative des paysages, gros plans intimistes sur les visages, usage des ombres et des reflets, flous et faux raccords volontaires… Wallander est un bel objet, aussi sensible dans la forme que dans le fond.

Caroline Veunac